jeudi 2 avril 2009

Trois centimes de papier et de ruban adhésif pour le diagnostic des maladies


Un nouvel instrument d'analyse microfluidique pourrait améliorer les services de soins dans les pays en développement.
Par Daniel Gorelick
Rédacteur

Washington - À l'aide de papier et de ruban adhésif, des savants ont mis au point un instrument peu coûteux qui permet d'effectuer des analyses sur les liquides organiques pour déterminer la présence de maladies. Cet outil diagnostique de technicité modeste pourrait devenir extrêmement bénéfique dans le secteur de la santé publique des pays pauvres.

Ces instruments de diagnostic tridimensionnels, composés de papier de microanalyse des liquides organiques (test micropapier - 3D microPAD), sont petits, faciles à transporter et n'ont besoin ni de pompe ni d'électricité pour fonctionner. Ils sont donc bien adaptés aux pays en développement, ont indiqué les chercheurs Andres Martinez, Scott Phillips et George Whitesides, de l'université Harvard, dans l'édition du 16 décembre du journal de l'Académie nationale des Sciences des États-Unis d'Amérique.
M. Whitesides est professeur de chimie ; il a dirigé les recherches sur cet instrument de diagnostic et a fondé une organisation à but non lucratif, baptisée Diagnostics-For-All ou Diagnostic pour tous, pour faire en sorte que cette nouvelle technologie puisse parvenir aux pays en développement.

« En mettant au point un outil de diagnostic peu coûteux, utilisable à grande échelle, et qui puisse servir dans des régions qui n'ont guère d'accès à du matériel de laboratoire complexe, nous espérons avoir un impact réel sur la santé publique », écrit M. Whitesides.

En octobre, les laboratoires Whitesides ont mis au point une centrifugeuse en utilisant un fouet à œufs de deux dollars, des tubes de plastique et du ruban adhésif. Cet instrument peut servir à séparer le plasma du sang, préalable nécessaire à de nombreuses analyses médicales.

Les instruments de microanalyse de liquides organiques

Dans les instruments de microanalyse de liquides organiques, ces derniers sont manipulés dans de très petits espaces, souvent de moins d'un millimètre (soit un millième de mètre) - imaginez de l'eau passant par un tube microscopique. De tels canaux microscopiques peuvent être gravés dans de la (du) silicone, du verre, du plastique, ou, comme le cas présent, dans du papier.

L'instrument expérimental (papier microfluidique - 3D micropad) est un carton de plusieurs centimètres carré, capable de détecter les niveaux de sucre et de protéines dans les urines - symptômes du diabète et de l'insuffisance rénale.

Lorsqu'un échantillon de liquide organique est appliqué sur un coin du papier test, ce liquide glisse dans les microcanaux jusqu'à la zone de détection où ont déjà été appliqués des produits chimiques capables de mesurer les niveaux de sucre ou de protéines. Une fois que les liquides organiques touchent cette zone de détection, une réaction chimique se produit et l'endroit cible sur le papier change de couleur, reflétant la quantité de sucre ou de protéines présente.

Ces tests sont achevés en une trentaine de minutes. La couleur peut être observée et interprétée par du personnel ayant une formation minime.

Les microcanaux peuvent conduire un seul échantillon vers plusieurs zones de détection, permettant au personnel médical d'effectuer des tests multiples des niveaux de sucre, un processus nécessaire à une évaluation précise.
Un second avantage qu'offre le micro papier est le fait qu'il est possible de tester plusieurs échantillons sur le même carton - les microcanaux se chevauchent mais, tels des tuyaux placés les uns près des autres, il n'y a pas de connexions entre eux qui permettent aux liquides de se répandre.

Et à l'encontre d'autres instruments de microanalyse, ces tests fonctionnent sans l'aide de pompes pour propulser les liquides dans les microcanaux.

Des tests médicaux pour le monde en développement
En fabriquant des instruments d'analyse microfluidique à base de papier, l'objectif des chercheurs était de produire des épreuves diagnostiques peu coûteuses en utilisant « une technologie particulièrement appropriée aux besoins des pays en développement », a dit à America.gov Andres Martinez, le doctorant qui a aidé à mettre au point le test micropapier et l'auteur de l'étude sur le sujet.

Selon M. Martinez, le papier possède de nombreux avantages dans les instruments de microanalyse.

Le papier est fin et léger, ce qui facilite le transport de nombreuses trousses d'essais vers les régions reculées. Le papier est également inflammable, permettant l'incinération des tests utilisés comme moyen de prévenir les contaminations par le biais de liquides organiques. Enfin, l'abondance de papier fait qu'il sera un jour possible de fabriquer des instruments de diagnostic de ce type localement.

Dans l'avenir, la technologie de fabrication du papier, telle qu'elle s'applique par exemple dans le secteur de l'imprimerie, pourrait être adaptée à la production d'instruments diagnostiques à grande échelle, a ajouté M. Martinez.

Ce dernier œuvre actuellement pour adapter le micropapier à l'analyse du sang, un liquide plus complexe que l'urine, dans le but de mettre au point un test pour détecter l'insuffisance hépatique. Il s'agit, donc, d'adapter le test pour que pouvoir détecter les niveaux élevés d'enzymes dans le sang, une caractéristique de l'insuffisance hépatique.

Toutefois, il n'est pas possible de tester le sang (entier) tel quel. Il faut d'abord retirer les globules rouges, ne laissant que le plasma. Se fondant sur des travaux (de laboratoire) précédents, M. Martinez envisage d'utiliser un fouet à œufs comme centrifugeuse pour séparer le plasma des autres éléments sanguins, puis de l'appliquer sur un micro papier pour détecter les niveaux d'enzymes hépatiques.

De nombreux médicaments ont des effets secondaires néfastes sur le foie, mais il n'y a pas, actuellement, de moyen rapide, fiable et peu coûteux pour évaluer la fonction hépatique chez les malades sur le terrain, a dit M. Martinez. Il espère qu'il sera possible d'utiliser les tests sur micropapier pour détecter les infections microbiennes et virales dans le sang.
Diagnostics pour tous

Pour produire et distribuer, à grande échelle, les tests micropapier, M. Whitesides et ses collègues ont formé Diagnostics pour tous, une société à but non lucratif. Lancée par Hayat Sindi, une scientifique d'Arabie saoudite en visite aux États-Unis, Diagnostics pour tous a pour but d'offrir à la communauté médicale internationale des moyens de diagnostics à la portée des ressources financières de tous.

Mme Sindi, qui a aidé à fonder cette organisation, a participé à la rédaction du plan d'affaires, lequel a remporté plusieurs prix, notamment les prestigieux Prix de 100.000 dollars du concours d'affaires de l'Institut de technologie du Massachusetts et celui du concours de l'école d'affaires de l'université Harvard.

La société Diagnostics pour tous a battu plus de 230 autres équipes concurrentes, à la fois à but lucratif et non lucratif, pour gagner la compétition de l'Institut de technologie du Massachusetts et le prix de 100.000 dollars, en mai, la première fois qu'une société à but non lucratif remporte cette victoire.
http://www.america.gov/st/health-french/2008/December/20081215154019adkcilerog0.1331446.html

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